dimanche 10 août 2014

Un jour, une vie



Une vie est une journée qui recommence perpétuellement. Nos vies sont une extension de nos jours et nos jours un raccourci de nos vies. L'un mène à l'autre et vice versa. Si tu veux savoir ce que vaux ta vie, regarde ton jour et tu le sauras. Et si ce que tu vois te déplait, t'angoisse ou te lamine, presses-toi d'implorer le retour de la Nuit et tu disparaîtras, sans détour, au grand jour. Plus besoin alors de te cacher.


jeudi 7 août 2014

Cruautés et raffinements


Le comble du mal n'est pas à rechercher dans les âmes déchues. La laideur d'un acte est à la mesure de la pureté du cœur l'accomplissant. La chute d'un esprit noble se satisfait de peu de hauteur pour trébucher, puis sombrer dans les affres de la descente aveugle. Notre soif de destruction n'a d'égale que notre aptitude à l'ivresse. La hideur est une beauté balafrée. La beauté, une charogne maquillée. La malveillance, une invincible lassitude de l'égo. Et nos cœurs ? De sombres écriteaux enveloppés de messages obscurs gravés par la plume affilée de nos ténèbres intimes. Cicatrices, je vous lis comme ces témoignages maudits de l'ancestrale défaite annoncée par le Très-Haut. Cicatrices, je vous avertis : la fin est la moitié du commencement, et la douleur le début de votre éternité. Le miroir est brisé. Peu importe. Le sang du calvaire reconstitue sa trame, morceau par morceau. La mosaïque écarlate de nos victoires est une œuvre de longue haleine qui a ses propres exigences. Mais la contempler est un délice rare, de l'ordre de nos plus cruels raffinements.

Question de principe



Ignorant le Principe de toutes choses, un insecte fit de toute chose un principe. Feu, soleil, éther. Terre, lune, eau. Ancêtres, animaux, Nature. Un principe inférieur ici, un principe supérieur là. Successivement ou simultanément. Mais tant de principes finirent pas l'incommoder car après tout, quelle différence entre eux ? Aucun ne semblait le convaincre.  L'insecte se fit donc honneur à lui-même et décréta sa propre personne Principe de toute chose. Fort lui en imposa, la charge était trop lourde et qui plus est d'un ennui mortel. Il se délesta donc et déclara solennellement qu'il n'y avait aucun principe, ce qui était encore la meilleure manière d'éluder la question.Voilà pourtant que le malheur le surprit là où il ne s'y attendait pas. Les arbres qui n'existaient pas s'effondrèrent les uns à la suite des autres. Les plantes de cette bonne vieille mère nature déclinèrent, rongées par l'oubli et le néant des choses. La terre elle-même s'effritait sous ses pattes. Les fleuves s'asséchèrent et les mares flirtèrent avec la glaise des marécages, à moins que ce ne soit le contraire. Le principe des principes qui finit par tous les éclipser, croisa un beau jour son regard dans l'eau. Pas très distinctement, car celle-ci était floue. Une forme, un visage sombre, un demi-reflet. Pour tout dire, cette vision l'inquiéta car elle lui en révélait sur lui-même plus qu'il ne pouvait en supporter sans toutefois l'abattre. Les eaux stagnantes de son cœur pourrissaient. Plus rien. Et puis, l'eau se mit à vibrer. Cette fois, le fond terreux et visqueux du coléoptère se distingua nettement du liquide primordial. Les eaux se multiplièrent et le sol se déroba. Le déluge fit de ces lieux malsains un havre de paix. De toutes choses, le Principe est, comme de tous temps Il fut. Immuable.