vendredi 8 avril 2016

Stance du volcan


Sois comme la fleur au pied du volcan. Belle et forte, endurante, éternelle. Indestructible. Les pieds enracinés dans la terre, les racines plongées dans le Ciel, la volonté projetée devant soi. L'esprit semé dans la lumière. Décimés par la chaleur, endurcis par la lave, embrasés par le feu liquide, nous renaîtrons. Le cœur élevé jusqu'au seuil ultime, je me prosternerai aux pieds de Dieu et je disparaîtrais dans l'Etre. Et je serais l'éternel disparu.



samedi 2 avril 2016

La réification des clercs musulmans en France


Le 21 mars dernier, le ministère de l'Intérieur a convoqué et organisé une grand messe appelée Instance de dialogue avec l'islam. 150 personnes, cadres religieux, imams, observateurs du fait musulman, policiers et hauts-fonctionnaires ont fait le déplacement Place Beauvau. 

Cette instance se réunissait pour la seconde fois. La première fois, ce fut quatre mois après les attentats du mois de janvier contre Charlie Hebdo. Des jeunes, des conférenciers, des associations ancrées et légitimes comme le CCIF, y avaient été convié au milieu des caciques de l'UOIF, du RMF et de la Mosquée de Paris. Cette fois-ci, la seconde réunion a été organisée quatre mois après les attaques du 13 novembre. 

Ce processus de renouvellement et de rafraîchissement de la dynamique représentative du culte musulman impulsé par le pouvoir poursuit un objectif : tenter de faire réémerger une instance musulmane plus légitime et plus représentative, après l'échec absolu du Conseil français du culte musulman, déchiré et atrophié par ses luttes intestines de chapelles consulaires, dévoré par son apathie congénitale.



Le CFCM avait été crée officiellement pour résoudre les problèmes de culte de la communauté musulmane en France : le manque de mosquées dignes dans certaines régions, de carrés musulmans dans les cimetières, le manque criant d'abattoirs pour permettre aux fidèles de célébrer le sacrifice de l'aïd al adha qui devient une pratique en voie de disparition réduite tout juste à un don de substitution, le déficit d'aumôniers dans les prisons, l'organisation du hajj, etc. 13 ans après la création par le ministère de l'Intérieur de cette farce institutionnelle, aucun de ces dossiers n'a été réglé. Aucun.



Contrôle, domestication et infériorisation : la doctrine de l'Etat français sur l'islam

La création du CFCM a montré par ailleurs quelle était la doctrine d'Etat française sur l'islam : un régime d'exception appliqué sur l'islam et justifié par sa dangerosité «révolutionnaire» au sens global de ce mot. Le pouvoir colonial avait, souvenons-nous en, en son époque fermé les mosquées qu'il ne contrôlait pas en Algérie, interdit l'enseignement de la langue arabe, crée ses institutions et fondé sa propre noblesse religieuse au service de l'Etat, afin de s'assurer un contrôle complet de la religion musulmane. Ce contrôle à tous les niveaux( surveillance généralisée et accentuée des mosquées, mises sur écoutes des cadres associatifs, mise en place du CFCM et domestication des fonctionnaires du culte) est le cœur de cette doctrine qui n'a pas vieilli d'un trait, ni changé d'un iota.


Cette fois-ci, le développement d'actes de guerre sur son territoire a poussé l'Etat a accéléré son travail. L'inertie spectaculaire des cadres musulmans cooptés par la République a obligé la Place Beauvau a agir. La première réunion de l'instance élargie était un signal envoyé à l'organisation terroriste surgie des abîmes de la politique étrangère franco-britanico-américaine au Moyen Orient. Le message politique était le suivant : la France et ses musulmans sont unis contre vous, nous sommes unis et vous ne pourrez pas nous divisez. Message factice d'une guerre factice.

La seconde réunion a été beaucoup plus explicite : l'ensemble du personnel religieux musulman français a vocation à servir de supplétifs dans la guerre de la France contre le terrorisme. Des auxiliaires de police affectés gratuitement au nom de l'islamité commune qu'ils partagent avec les terroristes, ces âmes perdues issues de leur propre troupeau. Imams et responsables associatifs, agents de liaison consulaires marocains, algériens ou turcs, tous semblent enthousiastes à l'idée de servir la France et s'estiment heureux de l'honneur qu'il leur est fait d'accomplir cette mission. Laquelle ? Ils ne le savent pas précisément eux-mêmes mais après tout, l'essentiel était d'accepter.

Car que seront-ils chargé de faire au juste ? S'agira-t-il de diffuser aux ouailles du vendredi un message clair et ferme de condamnation du terrorisme, cette entreprise diabolique faucheuse de vies humaines ? De surveiller leurs fidèles, de dénoncer de potentiels criminels, mais sur la base de quels critères ? On voit mal des individus impliqués dans des opérations de guerre haranguer leurs coreligionnaires pour les inviter courtoisement à les rejoindre. C'est faire injure et disgrâce aux fidèles mais encore à la raison elle-même. On feint de l'ignorer, on se refuse à y croire, mais les mosquées ne produisent pas plus qu'elles ne nourrissent la moindre arrière-pensée terroriste, ce que les agents de la DGSI pourraient très bien expliquer à leurs collègues des services de police nationaux, à défaut des imams, eux-mêmes variables d'ajustement de bureaux associatifs fragiles et rigides, et qui seraient bien en peine de le leur faire comprendre. Les mosquées en France sont un enjeu fondamental de sécurité intérieure pour l'Etat. Depuis la fin des années 1980, date des premiers attentats, la totalité des mosquées sur le territoire français sont l'objet d'une surveillance sans faille en collaboration avec les pays d'origine. Chaque association musulmane qui a pignon sur rue se voit l'objet d'une visite d'un membre des renseignements généraux. Depuis des décennies, les choses fonctionnent ainsi et un bon nombre des freins constants observables aux projets de constructions de mosquées leurs sont imputables.

Le sursaut moral indispensable de la conscience musulmane

Et pourtant nous disent des experts, mais les experts mentent ou pèchent par naïveté, pense-t-on : les actes terroristes ne sont pas le résultat d'un quelconque cheminement religieux de ses auteurs, d'une conversion ou d'une fréquentation de mosquées ou d'association musulmane. Ses auteurs sont bien plutôt le fruit d'un échec patent et total de la société française dans la mesure où tous sont quasiment issus du grand banditisme, de la délinquance armée, des milieux du braquage et de la criminalité. Leur rupture est sociale et individuelle. Rien de religieux là-dedans. On le sait, mais l'Etat au nom de sa propre doctrine, n'y croit pas.

Ainsi, les musulmans sont cooptés et utilisés comme de vulgaires outils dans la lutte menée contre le terrorisme. Ce processus de réification est l'étape logique et secondaire d'un processus de déchéance morale de l'ensemble des acteurs institutionnels de l'islam de France toutes tendances confondues qu'il n'est pas utile de rappeler, tant nous l'avons fait dans le passé.

Ainsi, outre le fait qu'aucun des besoins ni même des intérêts de la communauté musulmane ne seront satisfaits ou préservés sur le plan cultuel, ce qui était rappelons-le encore, l'objectif visé par la création du CFCM, il n'y aura aucune contrepartie à ce travail de flicage et de sous-traitance policière, faute d'acteurs crédibles, indépendants et intègres. 

Pis. L'islamophobie qui s'installe dans ce pays est majoritairement, nous disent les acteurs engagés sur le terrain, le produit des institutions de l'Etat (mairies, préfectures, commissariats, écoles, etc) et, à ce titre, est niée dans son expression par les agents de l'Etat, les hauts fonctionnaires du ministère de l'Intérieur et le Premier ministre qui est personnellement hostile à l'usage du mot «islamophobie». La dernière sortie de la ministre des Droits des femmes, dont l'intitulé même du ministère signifie la rupture de l'égalité républicaine non pas en tant que réalité illusoire mais comme horizon politique, a illustré une nouvelle fois la permanence et la continuité de cette doctrine. 


Peut-on imaginer pire situation d'abaissement, de servilité pour les musulmans en France ? Cette infériorisation consentie elle-même par le personnel politico-religieux des mosquées ou associations musulmanes est insupportable. Rien n'oblige ces agents du culte de se faire les instruments d'un emploi politique et sécuritaire pour lequel ils n'ont pas été mandatés par leurs fidèles, ni même formés, et quand bien même le seraient-ils qu'ils ne le devraient pas au nom de l'éthique et du devoir d'intégrité morale. Ils ne doivent plus se faire les idiots utiles d'une organisation politique, l'Etat, qui les utilisent au gré de ses propres intérêts et qui n'hésite pas à violer autant qu'elle le souhaite ses propres engagements en ne respectant pas les principes de laïcité qu'elle a si souvent utilisé contre ces mêmes musulmans accusés de ne pas s'y soumettre.

Contre l'islam d'Etat, un premier pas vers la liberté

Une organisation qui a procédé dernièrement à la liquidation politique, psychologique et symbolique, la purgation, de ces hommes et femmes de confession musulmane et/ou binationaux, du corps de la Nation au travers du débat sur la déchéance de nationalité, les expulsant du champs théorique de l'égalité, procédant à la rupture du contrat social et comme l'a dit un journaliste «sang-mêlé», à leur relégation aux catégories inférieures de «Français sous réserve, Français d’occasion, Français en sursis».


Une organisation, enfin, qui se dédouane de sa propre faillite à assurer la sécurité de ses ressortissants sur cette catégorie de la population toute désignée, du fait de sa misère, pour cet emploi de bouc émissaire. 

Ces cadres religieux doivent se consacrer pleinement à leurs mission qui est d'organiser le culte et d’œuvrer en faveur de l'excellence de la pratique et de l'enseignement de la religion musulmane, de l'éducation, de la formation et de la transmission de l'islam dans leur propre espace communautaire, ce qui n'est pas peu de choses, et se retirer définitivement du champ politique institutionnel. Cette époque de la soumission indigne et obséquieuse de leaders religieux à une organisation politique est révolue, elle doit l'être. 


Le jour où les musulmans de ce pays décideront souverainement de se doter d'une organisation représentative, s'ils le jugent nécessaire, et qu'ils seront suffisamment mûrs et organisés pour le faire, alors il sera temps ce jour-là de s'interroger sur le type de relation qu'ils doivent entretenir avec les agents de l'Etat français, car ce jour-là, ils seront libres de le faire.